Le divorce marque la fin juridique du mariage, mais qu'en est-il du partage des biens communs ? Contrairement aux idées reçues, la liquidation du régime matrimonial n'est pas systématiquement obligatoire au moment du divorce. Cette distinction fondamentale entre divorce amiable extrajudiciaire et divorces judiciaires génère des enjeux patrimoniaux considérables pour les ex-époux. Maître Florence ESTIENNY, avocat à Paris 16e, accompagne ses clients dans la compréhension de ces obligations différenciées et les aide à organiser leurs démarches post-divorce pour éviter les écueils juridiques.
La nécessité de procéder à la liquidation du régime matrimonial dépend directement du type de divorce choisi. Cette distinction, méconnue du grand public, peut avoir des conséquences majeures sur votre patrimoine et vos démarches futures.
Depuis la réforme du 18 novembre 2016, le divorce par consentement mutuel sans juge impose une obligation absolue de liquider le régime matrimonial avant l'enregistrement de la convention chez le notaire. Concrètement, vous ne pouvez pas divorcer si vous n'avez pas trouvé un accord complet sur le partage de vos biens communs.
Cette exigence s'applique que vous possédiez un appartement à Paris, une maison de campagne ou simplement des comptes bancaires communs. L'intervention d'un notaire devient obligatoire dès lors que vous détenez ensemble un bien immobilier. Les époux doivent alors établir un état liquidatif détaillant la répartition de chaque bien, dette et créance du couple.
Prenons l'exemple de Marie et Pierre, propriétaires d'un appartement dans le 16e arrondissement. Pour divorcer par consentement mutuel, ils devront d'abord s'accorder sur le sort de ce bien : l'un rachète-t-il la part de l'autre ? Le vendent-ils pour se partager le prix ? Sans cet accord préalable matérialisé dans un acte notarié, leur divorce ne pourra être enregistré.
À noter : Lors du partage, le calcul des récompenses dues entre époux obéit à des règles précises fixées par l'article 1469 du Code civil. La récompense équivaut à la plus faible des deux sommes représentant soit la dépense faite, soit le profit subsistant. Cette règle connaît des exceptions pour les dépenses nécessaires et les acquisitions ou améliorations de biens, permettant d'équilibrer les intérêts de chacun.
À l'inverse, dans les divorces contentieux (pour faute, pour altération définitive du lien conjugal) ou acceptés, la loi offre une souplesse remarquable. Le juge peut prononcer le divorce sans que les époux aient réglé le sort de leurs biens communs. La liquidation interviendra ultérieurement, soit à l'amiable, soit par voie judiciaire si le désaccord persiste (avec des délais stricts : un an après désignation du notaire pour trouver un accord, puis six mois supplémentaires avant le partage judiciaire forcé).
Cette possibilité de report s'avère précieuse dans plusieurs situations. Imaginez un couple où l'urgence est de mettre fin aux tensions conjugales, mais où le patrimoine complexe nécessite du temps pour être évalué et partagé équitablement. Ou encore des époux dont l'un ne peut racheter immédiatement la part de l'autre dans le logement familial où résident les enfants.
La date de dissolution du régime matrimonial reste toutefois fixée précisément par la loi. Pour les procédures introduites avant le 31 décembre 2020, c'est la date de l'ordonnance de non-conciliation qui fait foi. Depuis le 1er janvier 2021, c'est la date de l'assignation en divorce qui marque ce point de départ crucial pour l'évaluation des biens à partager.
Conseil pratique : Si vous engagez une assignation en partage après votre divorce, respectez scrupuleusement les mentions obligatoires imposées par l'article 1360 du Code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité : descriptif sommaire du patrimoine à partager, intentions du demandeur quant au partage, et diligences déjà entreprises pour parvenir à un partage amiable. Ces formalités, bien que contraignantes, garantissent la validité de votre procédure.
Reporter la liquidation après le divorce peut sembler pratique, mais cette décision expose les ex-époux à des complications juridiques et financières considérables qu'il convient de mesurer. Il faut également noter que les avantages matrimoniaux qui ne prennent effet qu'à la dissolution du régime sont révoqués automatiquement par le divorce (article 265 du Code civil), sauf volonté contraire expressément manifestée par les époux.
Sans liquidation, vos biens communs se transforment en indivision post-communautaire, un régime juridique particulièrement contraignant. Chaque ex-époux reste copropriétaire de l'ensemble des biens, avec toutes les difficultés de gestion que cela implique.
Prenons le cas concret d'un appartement loué générant 1 500 euros mensuels. Ces loyers appartiennent pour moitié à chaque ex-époux, même si l'un d'eux gère seul le bien. Plus délicat encore, si l'un des ex-conjoints est chef d'entreprise, les dividendes perçus après le divorce sur des parts sociales communes restent partagés à parts égales jusqu'au partage définitif.
Cette situation génère régulièrement des conflits, notamment lorsque l'un des ex-époux occupe seul l'ancien domicile conjugal. Il devient alors redevable d'une indemnité d'occupation envers son ex-conjoint, calculée selon la valeur locative du bien et les quotes-parts de propriété (sous réserve que cette jouissance privative soit caractérisée par l'exclusion effective des autres indivisaires ou l'absence de restitution du bien à l'indivision).
Exemple concret : Sophie et Marc, divorcés en 2021, n'ont pas liquidé leur régime matrimonial. Marc occupe seul leur maison commune évaluée à 500 000 euros avec une valeur locative mensuelle de 2 000 euros. S'il exclut Sophie de la jouissance du bien, il lui devra une indemnité mensuelle de 1 000 euros (50% de la valeur locative). Mais attention : si Sophie peut encore accéder librement au bien ou si Marc propose de le lui restituer, aucune indemnité ne sera due.
Le Code civil impose un délai de prescription de cinq ans pour réclamer les créances entre ex-époux. Ce délai court à compter du jour où le jugement de divorce acquiert force de chose jugée. Passé ce délai, vous perdez définitivement le droit de réclamer certaines sommes. Un accompagnement juridique adapté pour la liquidation de votre régime matrimonial permet d'éviter ces écueils temporels.
Illustrons avec l'exemple de Sophie, divorcée en 2019 sans liquidation. Son ex-mari occupe depuis leur maison commune. Si elle n'agit pas avant 2024, elle ne pourra réclamer que les indemnités d'occupation des cinq dernières années, perdant toute possibilité de récupérer les sommes antérieures. Toutefois, précision importante : si elle engage l'action dans le délai de cinq ans, elle pourra obtenir le paiement des créances depuis la date de dissolution de la communauté, y compris pour les périodes antérieures aux cinq dernières années.
Les conséquences s'aggravent considérablement en cas de décès d'un ex-époux avant la liquidation. Les héritiers se retrouvent alors dans une situation juridique complexe : ils doivent d'abord liquider le régime matrimonial de leur parent décédé avant de pouvoir régler sa succession. Cette double procédure génère des frais supplémentaires et peut bloquer le règlement successoral pendant des mois.
Le remariage de l'un des ex-époux complique encore la situation. Le nouveau conjoint peut se retrouver indirectement concerné par cette liquidation non réalisée, notamment si des biens acquis pendant la nouvelle union sont financés avec des fonds provenant de la communauté non liquidée. De plus, toute cession de parts sociales ou actions indivises nécessite le consentement exprès de l'autre ex-époux selon l'article 815-3 alinéa 7 du Code civil, faute de quoi la cession sera inopposable à ce dernier.
À noter : La solidarité pour les dettes ménagères entre époux ne cesse pas immédiatement au prononcé du divorce. Elle perdure entre un et trois mois après le jugement, délai nécessaire pour l'apposition de la mention du divorce sur les actes d'état civil. Les créanciers peuvent donc encore poursuivre l'un ou l'autre des ex-époux pendant cette période transitoire pour les dettes contractées solidairement durant le mariage.
Face à ces contraintes, plusieurs options s'offrent aux époux pour adapter la liquidation à leur situation particulière.
Les époux mariés sous le régime de la séparation de biens bénéficient d'une situation simplifiée. N'ayant pas de patrimoine commun au sens strict, ils n'ont que leurs éventuels biens indivis à partager, opération possible à tout moment, même pendant le mariage.
Pour ceux qui souhaitent divorcer à l'amiable sans pouvoir liquider immédiatement, le divorce par consentement mutuel judiciaire constitue une alternative intéressante. Cette procédure, méconnue depuis la réforme de 2016, permet de divorcer devant le juge sans liquidation préalable obligatoire. Elle s'impose d'ailleurs lorsque l'un des époux est sous protection juridique ou de nationalité étrangère dont le pays ne reconnaît pas le divorce sans juge.
Si vous envisagez de conserver temporairement des biens en indivision, établissez une convention d'indivision devant notaire. Ce document fixera les modalités de gestion, la répartition des charges et des revenus, pour une durée maximale de cinq ans renouvelable.
Attention aux pièges fiscaux : le droit de partage s'élève à 1,10% de l'actif net partagé depuis 2022, contre 2,5% auparavant. Pour les patrimoines inférieurs à 5 000 euros, un forfait de 125 euros s'applique. Ces frais s'ajoutent aux émoluments du notaire, calculés selon le barème de l'article A444-121 du Code de commerce : 4,837% HT pour la tranche de 0 à 6 500 euros, 1,995% HT de 6 500 à 17 000 euros, 1,330% HT de 17 000 à 60 000 euros, et 0,998% HT au-delà de 60 000 euros.
Conseil fiscal : Pour un patrimoine à partager de 300 000 euros, les émoluments notariaux s'élèveront à environ 3 850 euros HT, auxquels s'ajouteront le droit de partage de 3 300 euros (1,10% de 300 000 euros) et la TVA à 20% sur les émoluments. Le coût total approchera donc les 8 000 euros. Une négociation directe entre avocats peut permettre de substantielles économies sur les honoraires, tout en conservant la même valeur juridique pour l'acte de partage.
La liquidation du régime matrimonial constitue donc un enjeu majeur du divorce, dont le caractère obligatoire ou facultatif dépend de la procédure choisie. L'accompagnement d'un professionnel du droit s'avère indispensable pour naviguer entre ces différentes options et éviter les écueils patrimoniaux. Maître Florence ESTIENNY, forte de son expérience en droit de la famille et droit patrimonial, guide ses clients parisiens dans ces démarches complexes. Son cabinet du 16e arrondissement offre une expertise complète alliant conseil juridique, stratégie patrimoniale et accompagnement personnalisé, que vous soyez en phase de séparation ou confronté à une liquidation post-divorce délicate.